Passons aux choses sérieuses
Les universités suisses sont une mine d'or pour la recherche, avec un riche potentiel pour changer le monde. De la robotique à la biotechnologie, les idées qui germent dans les laboratoires débouchent souvent directement sur des opportunités commerciales. Mais même lorsque le potentiel commercial semble évident, y parvenir est une autre histoire.
bench2biz - une initiative organisée par un consortium de Pôles de recherche nationaux et soutenue par l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle - vise à combler cette lacune par des ateliers intensifs destinés à aider les scientifiques à comprendre ce qu'implique le lancement d'une start-up et à déterminer si c'est la bonne voie pour eux. Les ateliers sont entièrement organisés à titre gracieux, grâce à des bénévoles (avocats spécialisés en propriété intellectuelle, experts de l'industrie, etc.) qui offrent leur temps en échange de la possibilité de nouer des contacts et de découvrir de nouveaux projets passionnants.
Alors que l'écosystème des start-up est riche en accélérateurs et en programmes de soutien, cet atelier offre une vue d'ensemble rapide et ciblée, conçue spécifiquement pour les chercheurs qui envisagent de passer du monde universitaire à l'industrie. Il est important de se concentrer sur ce point précis.
"La scène des start-up est très variée", déclare Xavier Guidetti, qui a participé au dernier atelier. "Il est difficile de faire un travail de qualité dans un groupe hétérogène. Ici, nous venions tous d'un milieu similaire ; nous étions tous confrontés aux mêmes problèmes, par exemple quand arrêter la recherche et commencer le marketing ?
L'équipe de Xavier a mis au point des systèmes de contrôle intelligents pour la modélisation par dépôt de matière fondue (mieux connue sous le nom d'impression 3D), un outil doté d'un riche potentiel commercial à mesure que la fabrication additive gagne en importance. Leur objectif est de produire un kit pouvant être installé sur n'importe quelle machine existante, afin d'éliminer les frustrations habituelles et de rendre l'impression 3D aussi simple que l'impression sur papier.
Bien qu'en principe, cette technologie puisse être utile à tous les niveaux, des utilisateurs privés aux applications les plus sophistiquées telles que l'aérospatiale, Xavier a décidé de cibler des intermédiaires tels que les fournisseurs de services d'impression à la demande et les utilisateurs professionnels ayant des besoins moins spécialisés ou critiques en matière de sécurité. Il attribue à bench2biz le mérite d'avoir déterminé qu'il s'agissait là de la meilleure voie vers le marché.
"J'ai vraiment apprécié que l'on insiste beaucoup sur la question de savoir si les gens sont prêts à payer pour votre solution. Nous avons tous l'habitude de rédiger des motivations pour des documents de recherche, mais la solution que nous présentons n'est peut-être pas quelque chose que les gens sont prêts à payer. C'est la vraie question lorsqu'il s'agit de commercialiser quelque chose".
Un changement d'état d'esprit
Le fait d'ignorer la disposition à payer n'est qu'un exemple de la manière dont la formation universitaire peut laisser les chercheurs sans préparation à l'esprit d'entreprise. Le rythme de la prise de décision en est un autre. Alors que les scientifiques ont besoin de revoir leur travail plusieurs fois et sous plusieurs angles, l'esprit d'entreprise consiste davantage à prendre des risques et à régler les détails sur-le-champ.
"Ce n'est pas une approche que je voudrais adopter, mais l'atelier m'a beaucoup aidé à identifier où j'en étais et à m'éloigner de l'extrême prudence", déclare Xavier. "Il m'a aidé à prendre confiance dans le fait que ce que nous avons jusqu'à présent est certainement suffisant. Les choses deviennent réelles lorsque l'on commence - il n'y a pas de meilleur moyen".
Au cours d'une semaine environ, avec beaucoup de temps pour les devoirs, les participants sont aidés à définir leurs objectifs, à clarifier ce qui reste à faire avant le lancement et à comprendre les aspects pratiques de la création de leur entreprise. Même lorsque des questions spécifiques (telles que les aspects techniques de la propriété intellectuelle) ne trouvent pas de réponse dans le cadre de l'atelier, Xavier déclare qu'il en sort en sachant mieux comment obtenir les réponses dont il a besoin.
Vanessa Carle, une autre ancienne participante, insiste également sur l'importance de poser les bonnes questions, et non pas d'obtenir les bonnes réponses. "Vous pouvez obtenir une réponse d'un expert et la réponse totalement opposée d'un autre expert, et les deux sont valables. Mais ce qui est important, surtout pour quelqu'un qui veut se lancer dans l'entrepreneuriat, c'est de savoir ce qu'il faut étudier".
Par exemple, la question de la taille du marché, que les scientifiques peuvent se sentir mal équipés pour déterminer. Comme le dit Xavier : "Nous nous convainquons qu'il suffit d'avoir une bonne solution. Mais nous n'avons jamais vraiment quantifié l'argent qu'elle pourrait rapporter. C'était très intéressant de voir les chiffres que les gens pouvaient trouver. Il peut être surprenant d'écouter les idées des autres participants et de se dire que c'est génial ! Mais lorsqu'ils font les calculs, les chiffres sont plutôt faibles. Et peut-être que des idées qui semblent un peu ennuyeuses peuvent avoir un grand potentiel en termes de pénétration du marché".
Le fait de se rendre compte de l'importance de ces chiffres lui a également ouvert les yeux. "Il était intéressant de savoir que ces chiffres sont le premier facteur pris en compte lorsque l'on recherche un financement privé. Je ne savais pas, par exemple, qu'en dessous de 20 millions de francs par an, on n'entre pas vraiment en ligne de compte.
Benjamin Sawicki, responsable du transfert de technologie du PRN Automation, est coorganisateur et coach de Bench2Biz. "Ce qui est passionnant avec bench2biz, c'est de voir ces scientifiques commencer à poser des questions comme des entrepreneurs, en l'espace d'une semaine", explique-t-il. "C'est là que les nouvelles technologies sont mises sur la voie de l'adoption, et cela montre pourquoi la Suisse est le lieu de l'innovation technologique profonde.